Appel à communication
Revue Recherches en communication
Numéro « Médias et culture de soi »
Deadline: 15 septembre 2011
Dans le Souci de soi, Michel Foucault définit la culture de soi « par le fait que l’art de l’existence – la techne tou biou sous différentes formes – s’y trouve dominé par le principe qu’il faut ‘prendre soin de soi-même’ ; c’est le principe du souci de soi qui en fonde la nécessité, en commande le développement et en organise la pratique »[1]. La culture de soi désigne l’intensification et la valorisation des rapports de soi à soi. Si Foucault emploie cette terminologie à propos de la culture antique, elle est aujourd’hui communément associée à la catégorie indistincte d’« individualisme », supposée résumer la condition politique et subjective du sujet contemporain. L’individualisme désigne à la fois la valeur absolue attribuée à l’individu, la valorisation de la vie privée et l’intensité des rapports à soi[2].
Le souci porté aux modes de vie individuels et à la production du soi a favorisé un usage personnalisé des médias, également encouragé par les innovations techniques telles que le téléchargement, le streaming ou la video on demand. Cette personnalisation des pratiques se manifeste par exemple dans l’autonomisation des heures de visionnage ou d’écoute, et la flexibilité des temporalités médiatiques. Non seulement les médias fournissent une ressource réflexive à la production du soi, mais ils permettent également aux usagers de produire leurs propres contenus. Les blogs, sites et activités de fan, de même que l’interactivité des médias numériques, expriment et favorisent une individualisation de la culture. De ce point de vue, on peut dire que les médias participent de la production d’une « stylistique de l’existence »[3].
La revue Recherches en communication invite des contributions sur le thème « Médias et culture soi », explorant par exemple l’un des axes de recherche suivants :
- Les médias ne pourraient-ils pas être perçus à la fois comme un support et une ressource de la production d’un soi idéalement autonome ? « La culture de soi ne serait pas la ‘conséquence’ nécessaire de modifications sociales ; elle n’en serait pas l’expression dans l’ordre de l’idéologie. »[4] Les stratégies d’autonomisation, de négociation, de « braconnage »[5] des usagers favorisent-elles alors la production d’individualités singulières ? Ici, il sera intéressant de questionner la logique du dévoilement qui anime les usagers, ou encore de comprendre l’importance des médias dans les processus d’identification.
- Les médias produisent un « sens commun médiatique »[6] tissé d’imaginaires sociaux et de savoirs constitués. Dès lors, les contenus médiatiques ne sont-ils pas porteurs d’une certaine normativité ? L’ « individualisme expressif »[7] pourrait en effet se nourrir d’un discours hégémonique qui véhicule un certain nombre de normes. Sous couvert d’individualisation, la culture de soi ne masque-t-elle pas une quête de conformité des usagers à une doxa ? La culture de soi s’apparenterait alors à la culture d’une norme standardisée, qui exclut la culture de l’autre. À moins que les nouvelles technologies ne contribuent à amoindrir cette tendance médiatique au préjugé et à la standardisation… Cet axe de réflexion porte sur la thématique de l’altérité (moi vs. les autres) et des minorités (de genre, de classe, d’ethnicité), ainsi que sur les rapports entre les représentations stéréotypées et d’éventuels contre-exemples.
- On pourrait encore questionner les rapports et amalgames entre culture de soi et exaltation de l’identité personnelle[8]. L’authenticité du rapport à soi se mesure bien souvent à l’aune de l’autonomisation des pratiques. Ce mode de subjectivation ne masque-t-il pas l’historicité du sujet ? En encourageant le modèle d’une identité substantielle et autonome, le discours de la culture médiatique du soi plaide pour une souveraineté ontologique. Mais n’observe-t-on pas là un processus de naturalisation des combinatoires sociales normatives qui concourent à la production du sujet ? Ici, il s’agirait d’interroger les rapports entre subjectivité, autonomisation des usages/pratiques et expression de soi.
Mots clés
Expression de soi, médias, culture de soi, individualisme expressif, souci de soi, altérité.
Coordinateurs du numéro
Laetitia Biscarrat, doctorante, MICA, Bordeaux 3.
Mélanie Bourdaa, Post-Doctorante MSHA, membre associée MICA, Bordeaux 3.
Geoffroy Patriarche, Chargé de cours à fonction complète, Facultés universitaires Saint-Louis (FUSL), Bruxelles.
Calendrier
Consignes aux auteurs
Recherches en Communication est une revue internationale à évaluation par ses pairs. Il est demandé aux auteurs de respecter strictement les consignes de rédaction. Les consignes aux auteurs sont disponibles sur le site internet de la revue. Les articles sont à envoyer pour le 15 septembre 2011, date limite de soumission.
Les articles sont à envoyer à la revue via l’interface de soumission en ligne : http://sites-test.uclouvain.be/rec/index.php/rec/index.
[1] Michel Foucault, Histoire de la sexualité. Le souci de soi, Paris, Gallimard, 1984, p.60-1.
[2] Ibid., p.59.
[3] Ibid., p.97.
[4] Ibid., p.97.
[5] Michel de Certeau, L’invention du quotidien. Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990.
[6] Marie-Joseph Bertini, Ni d’Eve ni d’Adam. Défaire la différence des sexes, Paris, Max Milo, 2009, p.65.
[7] Laurence Allard, « Blogs, podcasts, fansubbing, mashups... : de quelques agrégats technoculturels à l’âge de l’expressivisme généralisé » in Penser les médiacultures, Paris, Armand Colin, 2005.
[8] Cultus en latin désigne à la fois l’action de cultiver, de soigner et celle d’adorer, des divinités par exemple.
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