Le journalisme numérique : formes, formats, frontières
C’est la vocation même des Cahiers du journalisme depuis leur création en 1996 : s’intéresser à « l’évolution des pratiques journalistiques en France et à l’étranger** ». Nous nous doutions bien, à l`époque, que le métier allait se transformer. Les premiers signes avant-coureurs étaient là. Quinze ans plus tard, il faut le reconnaître : le rythme et l’ampleur des changements sont beaucoup plus importants que prévu. Danger de surchauffe ?
Ce numéro double sur le journalisme numérique donne une bonne idée de la spirale enclenchée – pour faire simple – par Internet, les nouveaux outils, les nouveaux usages. Qui, entre parenthèses, est le plus bousculé dans la cour médiatique : les producteurs ou les consommateurs ? Qui pousse, qui freine ? Les gains sont-ils supérieurs aux pertes ? Seule certitude, nous n’avons sans doute encore rien vu. À tout le moins, ce sentiment aujourd’hui partagé qu’on ne reviendra plus en arrière. Au rythme où vont les choses, qui peut dire ce que sera le journalisme dans cinq ans ? Voire moins ! Dans les scénarios à court terme, sky is the limit. Raison de plus pour respirer par le nez et ne pas courir plus vite que son ombre. Cherche désespérément un peu de zénitude...
Le métier, nous dit-on, doit s’adapter au nouveau contexte technologique. Or, il le fait plutôt bien pour un milieu professionnel a priori conservateur, anxiogène et, disons-le, un peu déboussolé. Les résistants de la première heure se sont résignés et les techno-jovialistes se sont (un peu) calmés. Tout le monde a compris que dans cette affaire du journalisme numérique, il est urgent de se hâter lentement. Aujourd’hui, il est aussi important d’oser... que de doser. Embarquer dans l’aventure, tout en gardant l’œil sur les fondamentaux. Accepter de se mettre en danger, sans rien céder sur l’essentiel : voilà peut-être le nouveau credo...
Signe des temps, notre revue bascule exclusivement sur le Net dès le présent double numéro. La nostalgie de l’encre et du papier ? Elle passera, comme le reste. L’essentiel n’est pas les tuyaux, mais « dans » les tuyaux. C’est sans doute là aussi le vrai défi du journalisme de demain. Et, plus largement, de tous ceux qui produisent des contenus et les mettent en circulation planétaire, sans rien demander à personne. Époque libertaire. Où chacun peut prendre (des nouvelles) et donner (son point de vue).
Pour les journalistes, les règles du métier n’ont aucune raison de changer. À condition de ne jamais oublier la seule question qui vaille. Et qu’il faut, dans les emballements du moment, répéter inlassablement : à quoi servons-nous ?
Thierry WATINE
Rédacteur en chef
*(dossier coordonné par Bernard Delforce et Yannick Estienne)
extrait de l’ours des Cahiers du journalisme
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