L’image artistique à l’ère de la reproduction numérique : sémiotique visuelle et interfaces
Cinquième numéro d’Interfaces Numériques à paraître juin 2013 :
dirigé par Anne Beyaert‐Geslin et Marie Renoue
Qualifié de révolutionnaire, l’incidence de la prise en charge des images par les interfaces numériques a pu être comparée à celle de l’œuvre d’art décrite naguère par Walter Benjamin. Si elle a motivé de nombreuses recherches, celles-ci ont pourtant laissé dans l’ombre les modifications relatives à l’apparence, au statut des images et aux conditions de leur implémentation, soit de leur mise en circulation en tant qu’objets culturels. Le problème se résume à un paradoxe. Les images prolifèrent, changent de support, circulent et s’offrent à une maîtrise pratique qui, même si la diffusion rend la demande de signification plus insistante, semble nous dispenser de la maîtrise théorique. C’est cet aspect qui, en mobilisant des outils méthodologiques patiemment élaborés, inscrit la place de la sémiotique visuelle dans ce questionnement.
Ce dossier de la revue Interfaces numériques se consacre aux images artistiques pour préciser les incidences de leur numérisation. Au demeurant, le principe d’une modification de l’apparence de l’image renvoie à la problématique banale de la reproduction. Chaque support applique des contraintes régulières à l’image et détermine en premier lieu les couleurs. Si la photographie argentique en couleurs tend par exemple à accentuer le rouge et le vert (Aumont 1994), la particularité du numérique tient à la multitude de couleurs potentiellement disponibles à l’écran mais aussi à la réduction considérable de cette gamme dès lors que l’image est soumise à l’impression et limitée à ses possibilités techniques (Maeda 2001). Mais l’enjeu excède celui de la simple reproduction car les outils numériques offrent la possibilité de modifier à peu près toutes les données des images : ils assurent non seulement la visualisation (Manovitch 2011) mais aussi la production. Outre les couleurs, le cadrage, le format et l’orientation sont modifiables, sans compter que la visualisation redéfinit dès l’abord la texture de l’image-objet initiale, oblitérée par le grain de l’écran.
La transformation numérique questionne le statut de ces images, leur valeur patrimoniale, et soulève la question de leur transmission en tant qu’œuvre. Une image-objet numérisée est-elle encore une œuvre ? Si elle conserve la mémoire de l’image-objet, c’est au prix d’une conversion en image-texte et d’une perte du support original. La numérisation revisite les questions liées à la perte de l’aura de l’objet unique et place la question de l’authenticité au centre de la réflexion. Avec le statut artistique des images, un certain nombre de propriétés deviennent déterminantes. C’est le cas des données texturales dont il importe d’observer le destin. Il semble que la visualisation contraigne, plus généralement, à « se contenter de voir » (Foucault 1966) et supprime les autres données de l’expérience. Si le toucher est nécessairement requis comme opérateur de l’interaction, il se trouve quant à lui unifié par l’interface. Le déplacement du toucher d’un objet à l’autre tend en outre à en redéfinir les modalités et à subordonner la découverte de l’image à une connaissance sensible de l’interface. L’interface « fait écran » à l’objet et substitue une présence syncrétique, qui reste à caractériser et à répartir entre deux instances (l’image-texte et l’interface), à la présence des images initiales. La numérisation donne accès à une signification narrative, figurative et visuelle de l’image-texte, mais oblitère sa signification expérientielle, esthétique et polysensorielle.
Une question adjacente concerne le statut du sujet qui manipule l’interface. La visualisation transforme l’observateur en producteur d’une image-texte circulante. Il faut encore revisiter le cadre de l’énonciation, en observant notamment comment les outils numériques rapprochent l’observateur de l’objet. Au lieu que le corps de l’observateur, en s’avançant vers le tableau, produise le rapproché (Arasse 1992) du détail, c’est l’outil lui-même qui l’assume et l’accentue aussi par un geste de la main en unifiant toutes les distances. Ainsi les Noces de Cana de Véronèse, le plus grand tableau du Louvre, se contemplent-elles à la même distance que le timbre-poste lorsqu’elles sont visualisées à l’écran. Au-delà de la description minutieuse des « raccourcis » et « inversions » de l’interaction, il faudra observer leur incidence sur les stratégies de l’observation telles qu’elles sont revisitées pour les différents statuts d’images.
En se consacrant à la numérisation des images artistiques, ce dossier des Interfaces numériques entend donc prendre la mesure d’une transformation révolutionnaire qui revisite les formes et le statut de ces images autant que le cadre de leur énonciation.
Les différentes études de corpus s’attacheront à décrire les transformations de ces images en observant les propriétés afférentes à leur statut, ce qui permettra, au-delà des transformations du numérique, de mieux cerner les spécificités des images du domaine artistique. On portera également l’attention sur les applications dédiées aux visites virtuelles de musées ou d’expositions, pour aborder la question de l’implémentation des images artistiques en faisant dialoguer TIC, sémiotique visuelle et médiation culturelle.
Organisation scientifique
La réponse à cet appel se fait sous forme d’une proposition livrée en fichier attaché (nom du fichier du nom de l’auteur) au format rtf, doc, odt ou pdf, composée de 2 parties :
‐ un résumé de la communication de 4000 signes maximum, espaces non compris,
‐ une courte biographie du(des) auteur(s), incluant titres scientifiques, le terrain de recherche, le positionnement scientifique (la discipline dans laquelle le chercheur se situe), la section de rattachement.
La proposition est envoyée par courrier électronique à Anne Beyaert‐Geslin Anne.geslin87@orange.fr ou à Marie Renoue : marie.renoue@wanadoo.fr avant le 15décembre 2012.
La réception de chaque proposition donnera lieu à un accusé de réception par mail.
Calendrier
‐ 15 décembre 2012 : date limite de réception des propositions
‐ 15 février 2013 : avis aux auteurs des propositions
‐ 15 mars 2013 : remise des articles
‐ Du 15 mars au 15 mai 2013 : expertise en double aveugle et navette avec les auteurs
‐ 15 mai 2013 : remise des articles définitifs
‐ 25 juin 2013 : sortie prévisionnelle du numéro
Modalités de sélection
Un premier comité de rédaction se réunira pour la sélection des résumés et donnera sa réponse au plus tard le mercredi 15 février 2013.
L’article complet écrit en français ou en anglais et mis en page selon la feuille de style qui accompagnera la réponse du comité (maximum 25000 signes espaces compris) devra être envoyé par les auteurs en deux versions : l’une entièrement anonyme, l’autre normale, par courrier électronique avant le jeudi 15 mars 2013.
Un second comité international de rédaction organisera une lecture en double aveugle et enverra ses recommandations aux auteurs au plus tard le lundi 30 avril 2013.
Le texte définitif devra être renvoyé avant le mardi 15 mai 2013.
Les articles qui ne respecteront pas les échéances et les recommandations ne pourront malheureusement pas être pris en compte.
Pour toute question, contacter Marie Renoue marie.renoue@wanadoo.fr ou Anne Beyaert‐Geslin
Interfaces numériques est une revue scientifique publiée chez Hermès‐Lavoisier sous la direction de Benoît Drouillat et Nicole Pignier.
Présentation de la revue : http://www.revuesonline.com/portail/
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