Journée d’études
Laboratoire ASTRAM
(EA 4673), Université d'Aix-Marseille,
Aubagne, 31 mai 2013
Proposer de faire une histoire du transmédia semble, à
première vue, audacieux tant la discipline et le terme même sont récents dans
l'histoire des médias. Le transmédia se pose, en tant que pratique
audiovisuelle et en tant qu'objet de recherche, comme « nouveau ». Il donnerait
à penser une globalité de médias interconnectés liés à un utilisateur/«
spectacteur » (Weissberg) de moins en moins passif. Si la dimension interactive
est effectivement nouvelle, puisque née du développement des matériels et
applications numériques dans la sphère audiovisuelle (dont internet serait le
centre virtuel, et dans laquelle le téléphone portable joue un rôle
déterminant), il n'en demeure pas moins que ce que recouvre le terme de
transmédia ‒ qui fait d'ailleurs l'objet d'interprétations différentes et ne
fait donc pas consensus ‒ n'est pas forcément nouveau. De quoi s'agit-il ? Dans
la perspective de Jenkins, qui a largement popularisé ce vocable, d'une
synergie entre différents médias contenant chacun un récit autonome
fonctionnant en interaction avec d'autres au service d'un récit global réalisé
pour un utilisateur devenu acteur et producteur de son univers audiovisuel.
La question posée dans ce projet est de savoir depuis quand
ce modèle a pu préexister. Les « grands récits » structuraient l'imaginaire des
sociétés, qu'elles soient européennes ou non, avant même la modernité. Il
s'agissait alors de faire interagir différents médias (livres, tableaux,
musique...) comprenant divers éléments narratifs religieux, mythologiques,
politiques ou littéraires, pour proposer au spectateur d'alors une fiction
globale permettant de faire disparaître l'homme derrière une façade narrative
proposée à l'ensemble des membres de la société. Le développement moderne des «
grands récits » (Lyotard), puis leur émiettement dans la seconde moitié du XXe
siècle, ont amené leur remise en cause comme supports d'asservissement de
l'individu, et une réévaluation des expériences individuelles. Avec l'avènement
du cinéma « du feu d'artifice » (Jullier) et des technologies numériques, des
ponts de plus en plus fréquents se sont dressés, depuis Star Wars jusqu'à
Matrix, entre des champs industriels proches pour favoriser une interaction
entre des publics connectés par une même expérience et poussés à consommer
individuellement différents récits issus de cette expérience globale (film,
série, jeu vidéo, livre…).
Ce faisant, l'industrie audiovisuelle renouait en fait (et
continue souvent de renouer à travers le transmédia) avec une vieille stratégie
marketing des studios, que les films soient en prise de vues réelles ou en
animation. Les studios Disney fabriquaient à la fois des films, mais aussi des
BD, des produits dérivés, des disques, puis des parcs d'attraction, afin de
proposer une expérience de type parfois simplement cross-médiatique (une même
œuvre sur différents supports), mais aussi régulièrement transmédiatique, à ses
consommateurs. C'est ce type de productions (dans des champs aussi variés que
la littérature, la bande dessinée, le cinéma, les arts visuels...) que la
journée d'études se propose d'analyser sur la longue durée, au besoin en
remontant au XIXe siècle, au Moyen Age ou à l’Antiquité. Même la notion
d'interactivité mérite d'être réévaluée, puisqu'un spectacle populaire comme le
kamishibai au Japon (un acteur itinérant racontant des histoires dans la rue en
mêlant théâtre, cinéma, musique et dessin) se trouve à l'interaction
interactive entre spectacle vivant, cinéma commercial, musique populaire et
arts graphiques. Face à l'apparente nouveauté, il s'agit donc de chercher dans
le passé des situations assimilables au transmédia, d'historiciser ces
pratiques tout en gardant en tête la spécificité des technologies toujours
nouvelles (ordinateur, internet, portable, tablette...) des dispositifs
contemporains.
Les propositions,
pour un oral de 30 minutes (projections comprises), sont à envoyer avant le 28
février 2013 à Sébastien Denis (sebastiendenis@free.fr). Les actes seront
publiés.
Source : FABULA
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