Proposition de panel
5ème congrès du
réseau des associations francophones de science politique
« Les régimes
politiques et leurs transformations au XXIème siècle »
Luxembourg 24-26
avril 2013
Proposition de contribution à envoyer avant le 10 décembre 2012.
Le développement des outils numériques et plus
particulièrement d’internet s’accompagne de nombreuses promesses en termes de
renouvellement des possibilités de communication dans différents domaines et
notamment en politique. Le web grâce à son architecture orientée vers
l’interaction et l’exposition de soi (Cardon, 2010) serait susceptible de créer
les conditions favorables pour le dialogue et le partage d’informations. Sa
structure réticulaire permettrait de faire tomber un certaines barrières qui
traditionnellement freinent l’engagement politique (spatiales et temporelles
par exemple) pour permettre à un public élargi de s’exprimer et de s’engager en
politique. Le concept même de « participation » évolue pour intégrer des
dimensions dites « expressivistes » (Monnoyer-Smith, 2011). Les dispositifs
traditionnels de participation du public en politique, soucieux d’assurer leur
légitimité par l’inclusion d’un public toujours plus large, tentent d’intégrer
dans leurs procédures ces outils amorçant ainsi une démarche « d’équipement de
la démocratie dialogique » (Benvegnu, 2006). Mais cette logique qui s’appuie
sur les outils pour « améliorer » la participation et renforcer sa légitimité
suscite de nombreuses interrogations : quels rapports les pratiques engendrées
peuvent-elles entretenir avec les formes de l’engagement politique
traditionnelles ? Leur médiatisation influence-t-elle les trajectoires
d’engagement des acteurs (articulation des actions en ligne et hors ligne,
inclusion de nouveaux publics …)?
De nombreux travaux ont préalablement étudiés les ressorts
de l’engagement politique, mais nous faisons ici l’hypothèse que la médiation
numérique dans les activités politiques oblige à proposer de nouvelles méthodes
d’analyses pour comprendre ce qu’internet transforme réellement dans le
fonctionnement de la démocratie. Faire un point sur les recherches en cours
devra nous permettre de proposer des pistes pour mieux saisir l’évolution du
concept de l’engagement en politique lorsqu’il est confronté au monde
numérique.
Dans ce cadre, nous proposons trois axes pour amorcer la
réflexion :
AXE 1 : Pratiques et
espaces militants partisans sur Internet
Internet a timidement fait son entrée dans le domaine
politique au début des années 1990 jusqu’à être considéré aujourd’hui comme un
outil indispensable en communication politique, « un obligatoire de campagne »
(Lefebvre, Ethuin, 2002, p.155-177). Le succès phénoménal de
mybarackobama.com1, outre-Atlantique, a encore renforcé l’intérêt des hommes
politiques européens pour la Toile. La plupart ont désormais leur propre blog
(Greffet, 2007), leur page sur Facebook (Small, 2008), leur compte Twitter
(Small, 2010) pour rester visibles même hors des périodes électorales
(Blanchard, 2007). Mais, il n’y a pas que les figures politiques (élus, cadres
du parti) qui sont incités par l’institution partisane à utiliser Internet. Des
espaces virtuels destinés spécifiquement aux militants voient le jour tels que
les réseaux sociaux partisans (Coopol2, Démo-crates3…). Pourquoi ces réseaux
émergent ces dernières années ? Quel est leur valeur ajoutée pour l’activité
militante ? L’opposition Online/Offline est-elle vraiment pertinente pour
saisir les enjeux de leur déploiement? Les militants s’emparent-ils de ces
outils numériques mis à disposition par l’institution partisane ? Sont-ils
intégrés à des stratégies politiques plus large et si oui lesquelles ? Ces
réseaux induisent-ils de « nouvelles » formes de militantisme ?
Cet axe nous invite à explorer les usages et pratiques
militantes, individuelles ou collectives, et leur lien avec les stratégies de
communication politique globale. En effet, les contours du militantisme sur
Internet semblent subir des fluctuations : comme par exemple la dissolution des
frontières entre sympathisants et militants. De nombreux sympathisants sont
fortement engagés sur la Toile notamment en période de campagne électorale. Les
TIC permettent-elles un renouveau de l’engagement citoyen ? Voit-on arriver une
un nombre important de profanes susceptibles de renouveler la composition du
personnel politique et du public « traditionnel » de la politique ? Ou au
contraire ces arènes numériques sont-elles investies par des acteurs disposant
d’une expertise préalable souhaitant profiter de nouveaux espaces d’expression
pour faire valoir leurs intérêts? Une réflexion sur les profils
sociodémographiques ou de trajectoires des « cyber-militants/sympathisants »,
ou plus largement des nouveaux acteurs engagés sur le numérique, est bienvenue.
AXE 2 : Citoyens /
controverses / engagements
Face à la multiplication des controverses socio-techniques
(OGM, nucléaire…) de nouveaux dispositifs se mettent en place pour permettre
aux citoyens de s’impliquer dans la résolution de problèmes publics. Au sein
des « forums hybrides » (Callon, Lascoumes et Barthe, 2001) où se rencontrent
politiques, citoyens et scientifiques, l’introduction d’espaces de discussions
en ligne offre la possibilité de discuter des controverses dans des arènes
complémentaires, où de des collectifs spécifiques se créent pour venir débattre
de la thématique. La caractérisation de ces formes d’engagement est encore
largement à définir afin de saisir les opportunités offertes aux citoyens par
la mobilisation des espaces web. La mise à disposition de ces instruments dans
les dispositifs de concertation, et les pratiques politiques inédites qu’ils
autorisent, favorisent-t-elles l’exploration collective des controverses et la
mise en visibilité de nouveaux facteurs de concernement du public ?
L’engagement dans les arènes numériques pose à nouveaux
frais la question de l’empowerment du public : quel est l’impact de la
médiation numérique sur la compétence politique des participants ? Les «
publics faibles » sortent-ils renforcés de leur engagement dans ce type de procédures
? Il semble en effet nécessaire de mieux cerner le rôle joué par l’information
disponible en ligne sur la découverte de la thématique et la montée en
compétence du public ainsi que les limites imposées par la manipulation des
outils techniques en termes de literacy.
Des travaux récents ont montrés que les dispositifs
renferment des principes normatifs qui contribuent à mobiliser un type de
public correspondant aux attentes des concepteurs, « le bon citoyen », prêt à
venir donner son avis (Coleman, 2005). La nature des outils mobilisés dans les
procédures, dans la mesure où ils contribueraient à structurer les dynamiques
d’expression peuvent-ils favoriser l’engagement de certains types de publics ?
Peut-on faire un lien entre la nature du dispositif et les dynamiques
d’engagements ?
L’analyse des pratiques en ligne permet également de sortir
du prisme individuel de l’engagement citoyen pour venir interroger la dimension
collective des pratiques politiques en ligne, les dynamiques du « faire public
» peuvent ainsi être questionnées : l’entrée dans la controverse se fait-elle
systématiquement par les intérêts particuliers ? Ne voit-on pas apparaître
d’autres ressorts de l’engagement ?
AXE 3 :
Positionnement épistémologique du chercheur
Jean-Baptiste Legavre dans son article intitulé : La
«neutralité» dans l'entretien de recherche, retour personnel sur une évidence »
(Legrave, 1996) s’étonne que peu de texte existe sur la «cuisine» de
l'entretien de recherche, ses effets, son «traitement» (comment établir le
premier contact, définir la situation, faire oublier le magnétophone quand on se
trouve devant un acteur réticent, jouer avec le temps de l'entretien dont on ne
connaît pas toujours a priori sa longueur, contenir la violence de certains
interviewés, etc… ?). Deux raisons sont invoquées par l’auteur pour expliquer
ce manque dans la littérature académique : la «gêne» des chercheurs à montrer
la réalité des interactions (pas forcément favorable au questionneur) et « la
croyance en la neutralité de l'enquêteur et la possibilité de se situer dans un
contexte sans interférences. ». Or, il existe bel et bien un « effet enquêteur
» c'est-à-dire une influence de l’enquêteur sur les réponses ou plus largement
le discours recueilli. Nous souhaitons ici réfléchir sur cet « effet enquêteur
» notamment dans le cas de recherches sur le numérique. Quels sont les
avantages et limites des outils de communication numérique pour la menée
d’entretiens ? Comment appréhender les spécificités de l’entretien à distance ?
Pour comprendre ce qui se passe derrière l’interface,
analyser les pratiques et les stratégies, le chercheur doit souvent s’impliquer
sur son terrain d’enquête à travers par exemple des observations participantes
ou des « recherches-actions ». Les chercheurs, au vue de leur expertise, sont
souvent sollicités par les praticiens en tant que concepteurs des dispositifs
ou comme garant de leur bon fonctionnement. Cette implication sur le terrain
qui induit une co-construction de l’objet de recherche, requiert une certaine
réflexivité (Bourdieu, Chamboredon, Passeron, 1968) afin d’expliciter les avantages
et les limites d’une telle posture. Dans ces conditions, il est en effet plus
difficile pour le chercheur de considérer les faits sociaux comme des choses et
d'en chercher les causes et les effets sans risquer de faire intervenir des
causes subjectives (Durkheim, 1895). La neutralité axiologique de l’enquêteur
est mise en discussion. Le « chercheur embarqué », peut-il réellement analyser
les dispositifs qu’il a conçus ? Y-a-t-il des gardes-fous méthodologiques à
respecter ? Nous souhaitons ici nous interroger à travers la présentation de
retours d’expériences qui permettront de mieux définir la posture
épistémologique induite par ce type de démarches.
Références citées :
Blanchard G. (2007), La communication politique partisane
sur Internet : des pratiques et des stratégies nouvelles?, Thèse de doctorat en
Sciences de l’Information et de la Communication, sous la direction d’Isabelle
Pailliart, GRESEC, Université Stendhal Grenoble 3.
Benvegnu, N. (2006), « Le débat public en ligne. Comment
s'équipe la démocratie dialogique? », Politix,
vol.3, n°75, p.103-124, 2006.
Bourdieu P., Chamboredon J.-C., Passeron J.-C. (1968), Le Métier de sociologue, préalables
épistémologiques, Paris, Mouton - Bordas.
Callon M., Lascoumes P., Barthes Y. (2001), Agir dans un monde incertain. Essai sur la
démocratie technique, Paris, Seuil.
Cardon D. (2010), La
démocratie Internet, La République des idées, Paris.
Coleman S.
(2005), “New Mediation and Direct Representation: Reconceptualizing
Representation in the Digital Age”, New Media
and Society, vol. 7, n°2, p. 177-198.
Durkheim E. (2009 [1984]), Les Règles de la méthode sociologique, Paris, Payot, coll.
"Petite Bibliothèque Payot".
Ethuin N., Lefebvre R. (2002), « Les balbutiements de la
cyberdémocratie électorale. Contribution à une analyse des usages politiques
d’Internet : le site de Martine Aubry lors des élections municipales de mars
2001 », in Serfaty V. (dir.), L’Internet
politique, des Etats-Unis à l’Europe, Strasbourg, Presses universitaires de
Strasbourg.
Greffet F., (2007), « Les blogs politiques: enjeux et
difficultés de recherche à partir de l'exemple français”, Communication, vol.25, n°2, p.200-211
Kaplan A.
H., Haenlein M. (2010), « Users of the world, unite! The challenges and
opportunities of Social Media ». Business
Horizons, vol. 53, 2010, p. 59-68.
Monnoyer-Smith L. (2011), « La participation en ligne,
révélateur d'une évolution des pratiques politiques ? », Participations, n°1, p. 156-185.
Legrave J.-B. (1996), « La «neutralité» dans l'entretien de
recherche, Retour personnel sur une évidence », Persée, n°35.
Small T. A.
(2008), « The Facebook Effect? On-line Campaigning in the 2008 Canadian and US
Elections». Policy Options.
Small T. A. (2010), « La politique canadienne en 140
caractères : la vie des partis dans l’univers Twitter ». Revue parlementaire canadienne.
Coordonnées des
présidents de panels
Nom Prénom : THEVIOT Anaïs
Fonction Titre : Doctorante- allocataire de recherche ;
Sciences po Bordeaux, Centre Emile Durkheim
Affiliation associative de science politique : SQSP
Courriel : a.theviot@sciencespobordeaux.fr
Téléphone portable :0642005666
Adresse Skype : anais.thev
Nom Prénom : MABI Clément
Fonction Titre : Doctorant- allocataire de recherche
Affiliation associative de science politique : AFSP
Courriel : clement.mabi@utc.fr
Téléphone portable : 0683413661
Adresse Skype : clementmabi
Source: http://luxpol.unblog.fr/
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