mercredi 5 décembre 2012

AAC - S’engager sur Internet. Trajectoires de mobilisations et pratiques politiques à l’aune du numérique


Proposition de panel
5ème congrès du réseau des associations francophones de science politique
« Les régimes politiques et leurs transformations au XXIème siècle »
Luxembourg 24-26 avril 2013

Proposition de contribution à envoyer avant le 10 décembre 2012. 

Le développement des outils numériques et plus particulièrement d’internet s’accompagne de nombreuses promesses en termes de renouvellement des possibilités de communication dans différents domaines et notamment en politique. Le web grâce à son architecture orientée vers l’interaction et l’exposition de soi (Cardon, 2010) serait susceptible de créer les conditions favorables pour le dialogue et le partage d’informations. Sa structure réticulaire permettrait de faire tomber un certaines barrières qui traditionnellement freinent l’engagement politique (spatiales et temporelles par exemple) pour permettre à un public élargi de s’exprimer et de s’engager en politique. Le concept même de « participation » évolue pour intégrer des dimensions dites « expressivistes » (Monnoyer-Smith, 2011). Les dispositifs traditionnels de participation du public en politique, soucieux d’assurer leur légitimité par l’inclusion d’un public toujours plus large, tentent d’intégrer dans leurs procédures ces outils amorçant ainsi une démarche « d’équipement de la démocratie dialogique » (Benvegnu, 2006). Mais cette logique qui s’appuie sur les outils pour « améliorer » la participation et renforcer sa légitimité suscite de nombreuses interrogations : quels rapports les pratiques engendrées peuvent-elles entretenir avec les formes de l’engagement politique traditionnelles ? Leur médiatisation influence-t-elle les trajectoires d’engagement des acteurs (articulation des actions en ligne et hors ligne, inclusion de nouveaux publics …)?
De nombreux travaux ont préalablement étudiés les ressorts de l’engagement politique, mais nous faisons ici l’hypothèse que la médiation numérique dans les activités politiques oblige à proposer de nouvelles méthodes d’analyses pour comprendre ce qu’internet transforme réellement dans le fonctionnement de la démocratie. Faire un point sur les recherches en cours devra nous permettre de proposer des pistes pour mieux saisir l’évolution du concept de l’engagement en politique lorsqu’il est confronté au monde numérique.
Dans ce cadre, nous proposons trois axes pour amorcer la réflexion :
AXE 1 : Pratiques et espaces militants partisans sur Internet
Internet a timidement fait son entrée dans le domaine politique au début des années 1990 jusqu’à être considéré aujourd’hui comme un outil indispensable en communication politique, « un obligatoire de campagne » (Lefebvre, Ethuin, 2002, p.155-177). Le succès phénoménal de mybarackobama.com1, outre-Atlantique, a encore renforcé l’intérêt des hommes politiques européens pour la Toile. La plupart ont désormais leur propre blog (Greffet, 2007), leur page sur Facebook (Small, 2008), leur compte Twitter (Small, 2010) pour rester visibles même hors des périodes électorales (Blanchard, 2007). Mais, il n’y a pas que les figures politiques (élus, cadres du parti) qui sont incités par l’institution partisane à utiliser Internet. Des espaces virtuels destinés spécifiquement aux militants voient le jour tels que les réseaux sociaux partisans (Coopol2, Démo-crates3…). Pourquoi ces réseaux émergent ces dernières années ? Quel est leur valeur ajoutée pour l’activité militante ? L’opposition Online/Offline est-elle vraiment pertinente pour saisir les enjeux de leur déploiement? Les militants s’emparent-ils de ces outils numériques mis à disposition par l’institution partisane ? Sont-ils intégrés à des stratégies politiques plus large et si oui lesquelles ? Ces réseaux induisent-ils de « nouvelles » formes de militantisme ?
Cet axe nous invite à explorer les usages et pratiques militantes, individuelles ou collectives, et leur lien avec les stratégies de communication politique globale. En effet, les contours du militantisme sur Internet semblent subir des fluctuations : comme par exemple la dissolution des frontières entre sympathisants et militants. De nombreux sympathisants sont fortement engagés sur la Toile notamment en période de campagne électorale. Les TIC permettent-elles un renouveau de l’engagement citoyen ? Voit-on arriver une un nombre important de profanes susceptibles de renouveler la composition du personnel politique et du public « traditionnel » de la politique ? Ou au contraire ces arènes numériques sont-elles investies par des acteurs disposant d’une expertise préalable souhaitant profiter de nouveaux espaces d’expression pour faire valoir leurs intérêts? Une réflexion sur les profils sociodémographiques ou de trajectoires des « cyber-militants/sympathisants », ou plus largement des nouveaux acteurs engagés sur le numérique, est bienvenue.
AXE 2 : Citoyens / controverses / engagements
Face à la multiplication des controverses socio-techniques (OGM, nucléaire…) de nouveaux dispositifs se mettent en place pour permettre aux citoyens de s’impliquer dans la résolution de problèmes publics. Au sein des « forums hybrides » (Callon, Lascoumes et Barthe, 2001) où se rencontrent politiques, citoyens et scientifiques, l’introduction d’espaces de discussions en ligne offre la possibilité de discuter des controverses dans des arènes complémentaires, où de des collectifs spécifiques se créent pour venir débattre de la thématique. La caractérisation de ces formes d’engagement est encore largement à définir afin de saisir les opportunités offertes aux citoyens par la mobilisation des espaces web. La mise à disposition de ces instruments dans les dispositifs de concertation, et les pratiques politiques inédites qu’ils autorisent, favorisent-t-elles l’exploration collective des controverses et la mise en visibilité de nouveaux facteurs de concernement du public ?
L’engagement dans les arènes numériques pose à nouveaux frais la question de l’empowerment du public : quel est l’impact de la médiation numérique sur la compétence politique des participants ? Les « publics faibles » sortent-ils renforcés de leur engagement dans ce type de procédures ? Il semble en effet nécessaire de mieux cerner le rôle joué par l’information disponible en ligne sur la découverte de la thématique et la montée en compétence du public ainsi que les limites imposées par la manipulation des outils techniques en termes de literacy.
Des travaux récents ont montrés que les dispositifs renferment des principes normatifs qui contribuent à mobiliser un type de public correspondant aux attentes des concepteurs, « le bon citoyen », prêt à venir donner son avis (Coleman, 2005). La nature des outils mobilisés dans les procédures, dans la mesure où ils contribueraient à structurer les dynamiques d’expression peuvent-ils favoriser l’engagement de certains types de publics ? Peut-on faire un lien entre la nature du dispositif et les dynamiques d’engagements ?
L’analyse des pratiques en ligne permet également de sortir du prisme individuel de l’engagement citoyen pour venir interroger la dimension collective des pratiques politiques en ligne, les dynamiques du « faire public » peuvent ainsi être questionnées : l’entrée dans la controverse se fait-elle systématiquement par les intérêts particuliers ? Ne voit-on pas apparaître d’autres ressorts de l’engagement ?
AXE 3 : Positionnement épistémologique du chercheur
Jean-Baptiste Legavre dans son article intitulé : La «neutralité» dans l'entretien de recherche, retour personnel sur une évidence » (Legrave, 1996) s’étonne que peu de texte existe sur la «cuisine» de l'entretien de recherche, ses effets, son «traitement» (comment établir le premier contact, définir la situation, faire oublier le magnétophone quand on se trouve devant un acteur réticent, jouer avec le temps de l'entretien dont on ne connaît pas toujours a priori sa longueur, contenir la violence de certains interviewés, etc… ?). Deux raisons sont invoquées par l’auteur pour expliquer ce manque dans la littérature académique : la «gêne» des chercheurs à montrer la réalité des interactions (pas forcément favorable au questionneur) et « la croyance en la neutralité de l'enquêteur et la possibilité de se situer dans un contexte sans interférences. ». Or, il existe bel et bien un « effet enquêteur » c'est-à-dire une influence de l’enquêteur sur les réponses ou plus largement le discours recueilli. Nous souhaitons ici réfléchir sur cet « effet enquêteur » notamment dans le cas de recherches sur le numérique. Quels sont les avantages et limites des outils de communication numérique pour la menée d’entretiens ? Comment appréhender les spécificités de l’entretien à distance ?
Pour comprendre ce qui se passe derrière l’interface, analyser les pratiques et les stratégies, le chercheur doit souvent s’impliquer sur son terrain d’enquête à travers par exemple des observations participantes ou des « recherches-actions ». Les chercheurs, au vue de leur expertise, sont souvent sollicités par les praticiens en tant que concepteurs des dispositifs ou comme garant de leur bon fonctionnement. Cette implication sur le terrain qui induit une co-construction de l’objet de recherche, requiert une certaine réflexivité (Bourdieu, Chamboredon, Passeron, 1968) afin d’expliciter les avantages et les limites d’une telle posture. Dans ces conditions, il est en effet plus difficile pour le chercheur de considérer les faits sociaux comme des choses et d'en chercher les causes et les effets sans risquer de faire intervenir des causes subjectives (Durkheim, 1895). La neutralité axiologique de l’enquêteur est mise en discussion. Le « chercheur embarqué », peut-il réellement analyser les dispositifs qu’il a conçus ? Y-a-t-il des gardes-fous méthodologiques à respecter ? Nous souhaitons ici nous interroger à travers la présentation de retours d’expériences qui permettront de mieux définir la posture épistémologique induite par ce type de démarches.
Références citées :
Blanchard G. (2007), La communication politique partisane sur Internet : des pratiques et des stratégies nouvelles?, Thèse de doctorat en Sciences de l’Information et de la Communication, sous la direction d’Isabelle Pailliart, GRESEC, Université Stendhal Grenoble 3.
Benvegnu, N. (2006), « Le débat public en ligne. Comment s'équipe la démocratie dialogique? », Politix, vol.3, n°75, p.103-124, 2006.
Bourdieu P., Chamboredon J.-C., Passeron J.-C. (1968), Le Métier de sociologue, préalables épistémologiques, Paris, Mouton - Bordas.
Callon M., Lascoumes P., Barthes Y. (2001), Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Paris, Seuil.
Cardon D. (2010), La démocratie Internet, La République des idées, Paris.
Coleman S. (2005), “New Mediation and Direct Representation: Reconceptualizing Representation in the Digital Age”, New Media and Society, vol. 7, n°2, p. 177-198.
Durkheim E. (2009 [1984]), Les Règles de la méthode sociologique, Paris, Payot, coll. "Petite Bibliothèque Payot".
Ethuin N., Lefebvre R. (2002), « Les balbutiements de la cyberdémocratie électorale. Contribution à une analyse des usages politiques d’Internet : le site de Martine Aubry lors des élections municipales de mars 2001 », in Serfaty V. (dir.), L’Internet politique, des Etats-Unis à l’Europe, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg.
Greffet F., (2007), « Les blogs politiques: enjeux et difficultés de recherche à partir de l'exemple français”, Communication, vol.25, n°2, p.200-211
Kaplan A. H., Haenlein M. (2010), « Users of the world, unite! The challenges and opportunities of Social Media ». Business Horizons, vol. 53, 2010, p. 59-68.
Monnoyer-Smith L. (2011), « La participation en ligne, révélateur d'une évolution des pratiques politiques ? », Participations, n°1, p. 156-185.
Legrave J.-B. (1996), « La «neutralité» dans l'entretien de recherche, Retour personnel sur une évidence », Persée, n°35.
Small T. A. (2008), « The Facebook Effect? On-line Campaigning in the 2008 Canadian and US Elections». Policy Options.
Small T. A. (2010), « La politique canadienne en 140 caractères : la vie des partis dans l’univers Twitter ». Revue parlementaire canadienne.

Coordonnées des présidents de panels

Nom Prénom : THEVIOT Anaïs
Fonction Titre : Doctorante- allocataire de recherche ; Sciences po Bordeaux, Centre Emile Durkheim
Affiliation associative de science politique : SQSP
Courriel : a.theviot@sciencespobordeaux.fr
Téléphone portable :0642005666
Adresse Skype : anais.thev

Nom Prénom : MABI Clément
Fonction Titre : Doctorant- allocataire de recherche
Affiliation associative de science politique : AFSP
Courriel : clement.mabi@utc.fr
Téléphone portable : 0683413661
Adresse Skype : clementmabi

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire